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On ne fait pas lécher une blessure à l’hyène, réplique le sage peul à l’Aide-Coopération
Le jour où Africains et Afro-descendants se retourneront sur les trésors enfouis dans les contes, proverbes, cosmogonies, imaginaires africains authentiques, s’il n’est pas trop tard, ils mesureront la perte nette que leur aura coûté des décennies d’aliénation culturelle, de déprise de leurs traditions intellectuelles et cognitives. Particulièrement, la candeur proverbiale élevée en politique de salut avec laquelle les élites africaines et diasporiques s’en remettent à une hypothétique aide-coopération pour recoller les raclures d’une dignité écrasée par ces mêmes généreux donateurs …
En même temps que le terme de développement a été inventé et popularisé dans son acception courante de progrès structurels faisant gravir les marches de la prospérité aux nations et peuples méritants, la thérapeutique charlatanesque de l’aide, de la coopération, du financement externe, du don a mobilisé les ressources intellectuelles des cadres et idéologues des Sous-Développés. Contaminant d’ailleurs les croyances populaires souvent plutôt rétives.
Depuis l’empilement des plans de développement, d’ajustement, des stratégies de croissance de Lomé à Lagos et jusqu’au très inutilement médiatique Nepad -Ne Pas Développer ?-, la poussive antienne de l’aide extérieure finit toujours par constituer le fade plat de résistance des suppliques naïves des dépendants auxquelles font pièce des stratégies aguerries d’assujettissement et de prédations huilées depuis des siècles de croisades, d’évangélisation et de pactes coloniaux.
L’hyène, mammifère carnivore se nourrissant de charogne, ayant roulé sa vieille et insatiable chair à travers les âges, consommant à l’usure toutes les civilisations qui l’avait enfantée et éduquée, de l’Egypte, à la Grèce puis à Rome dont elle hérite, triomphant de la superbe de l’Orient, l’hyène se pencherait-elle de si bon cœur au chevet désespéré du malade plaintif ? Pour le bien et dans l’intérêt du malade qu’elle couvrirait de coup de langues affectueux, de son laid pelage malodorant tacheté et disgracieux ?
Il faut bien être l’élite africaine, et rien qu’elle pour s’en remettre à une telle non-solution avec quiétude et confiance dans sa propre disparition certaine. Et personne ne pourra dire que les Anciens n’avaient pas prévenu leurs descendants des risques apocalyptiques de la crédulité.
Le sage peul muni de son pro-verbe, escalade les siècles, les barrières de l’espace pour retrouver et inspirer ses indignes fils empêtrés dans des lectures auto-flagellantes. L’hyène que rien ne contraint dans ses pulsions carnassières ne saurait être mise au pied du malade à veiller celui-ci jusqu’à son rétablissement. Elle ne saurait, à l’instar des Egyptiens qui par amour pour la connaissance et par éthique africaine initièrent les grecs à leurs sciences, dépasser la dimension de la préhension matérielle et de l’accaparement pour soi.
L’aide-coopération comme chacun désormais le sait répond à la logique profondément pesée du taux de retour selon laquelle d’une façon ou d’un autre, une unité investie, si modique soit-elle de ressources occidentales en terres de pauvreté est planifiée dans une séquence programmée de rétro-profits, de gains et bénéfices protéiformes centuplant allègrement la mise de départ. Les gains les plus évidents dévoilent la captation sauvage et accélérée des richesses matérielles comme les matières dites premières, l’énergie, les produits agricoles etc.
Mais les gains les plus cruciaux et infinis de l’hyène ne sont pas la croûte visible de la blessure ou l’épiderme, c’est, comme la teneur nutritionnelle des cellules dépossédées à la chaire humaine vivante et saignante, la vassalisation elle-même, l’endettement à vie, la perte de projet propre de l’autre qui offre l’infini bénéfice à l’aidant-coopérant de disposer de lui, cheptel humain en demande permanente de servitude. Bétail d’ouailles, chrétiennes ou musulmanes, ensectées ou maçonniques, qui imposent chaque jour la vision de l’autre et disloquent de facto les liens socioculturels ancestraux gardiens de l’unité des communautés, bétail de locuteurs d’une langue étrangère donnant le privilège d’un monopole culturel et des revenus d’édition, des médias, d’influence internationale associés. Esprits moutonniers qui suivent un pasteur qui seul sait à quel abattoir il mène les bêtes domestiquées, castrées, docilisées.
Il y a donc antinomie entre la nature d’un système prédateur évolutif, capitaliste aujourd’hui et autre chose demain, et une quelconque prétention à l’aide et à la coopération désintéressée. De même que l’hyène ne finira de lécher la blessure de l’agonisant qu’une fois celui-ci tout entier englouti dans sa panse, de même l’écheveau des relations internationales d’aide spécifiquement ne saura jamais que développer les dépendances, les hégémonies, les prédations des plus forts et des plus voraces.
Urgence : la blessure est ouverte et la langue de l’hyène se fatigue déjà de ses parois, la prochaine étape sera t-elle celle du coup de crocs fatal de l’assaillant pseudo-coopérant ou au contraire celle de la réaction salvatrice de l’agonisant auto-réhumanisé ?
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