Les temps qui à grand pas avancent vers un on ne sait où d’humanités en transactions, apportent néanmoins dans bien des domaines, leur dose de changement, de décentrements même. L’exposition «Africains en Chine» du photographe chinois Li Dong, traduit la dynamique de ces mutations fortes dans les faits économiques et sociétaux, dans les regards et l’intellection des grands renouvellements globaux également.

Il y a encore quelques années il était inimaginable d’envisager de porter un intérêt sérieux ou même décalé sur des Africains allant faire des affaires en Chine, fût-ce vers une des mégapoles de Chine méridionale montée sur plus de 10 millions d’habitants.

La ville chinoise de Guangdong compterait une dizaine de milliers peut-être davantage encore d’immigrants africains en quête d’opportunités d’affaires ou d’opportunités tout court. Leur présence assez localisée leur a valu l’honneur de la dénomination officieuse de leurs lieux de concentration en Africa Town, ou de Baohanzhijie street, rue située dans l'arrondissement Yuexiu de Guangzhou.

Si cette façon de comprendre les Africains aux prises avec leur destin tente de saisir ces dynamiques hors des jours habituels, monocolores et mono-coloniaux, elle ne cède ou ne devrait céder ni à la naïveté ni à la cécité du grand jour co-prospère. Il n’empêche que le phénomène mondial de migrations qui voit des Chinois traverser, échanger, et s’arrêter en Afrique et vice-versa, suggère une nouvelle voie de questionnement, s’écartant des sempiternelles litanies des rapports nord-sud, des demandes d’aides, des anecdotes des itinéraires d’immigrations abracadabrantesques.

Les Africains en Chine rencontrent certes des problèmes importants d’intégration que l’on ne saurait minorer, ils ne sont ni en nombre ni en capacité d’influence comparables aux Chinois en Afrique, mais ils représentent aussi le choix d’un autre avenir et traduisent des nouveaux regards sur le monde, de nouvelles projections.

Le photographe Li Dong dit avoir procédé par observation participante, quasi ethnologique, en se familiarisant d’abord avec son objet par des rapprochements proximaux vers les Africains de Guangdong, avant de produire ses 44 photographies qui s’exposent en cette fin 2014 en Europe. Il voit dans ces flux migratoires et d’intégration au cœur d’une capitale de la production globale, usine du monde, le témoignage des temps nouveaux, des intérêts croisés des Africains et des Chinois.

Cette exposition pourrait être vue comme la volonté de faire pièce aux multiples reportages et pseudo sujets portant sur la Chine colonisant l’Afrique, l’envahissant littéralement. Il est difficile de juger de ce point, il reste que les flux africains vers la Chine s’inscrivent dans une dynamique de fond dans laquelle les Africains semblent davantage à même d’écrire les équations de leurs intérêts en acteurs impliqués, plus en sujets bâillonnés de la coloniale.  

Exposition au  centre culturel RecyclArt de Bruxelles, du 23.11 au 11.12 14