Un rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud) paru en 2012 le confirmait, les transferts de fonds des migrants somaliens en faveur de leur pays d’origine, sont une manne essentielle soutenant l’économie locale et la vie sociale. Cette économie diasporale est à relever pour sa valeur d’exemplarité, son contenu solidaire alors que par ailleurs, les sirènes  creuses d’une évanescente émergence économique ont conquis, sans combattre, les agendas politiques continentaux.

Environ 1,5 millions de Somaliens vivant à l’extérieur, souvent en Europe, en Amérique du Nord et dans les pays du Golf, sont responsables de quelques 1,6 milliards de dollars estimés de flux monétaires en faveur de leur pays. Une somme qui, en plus de l’aide de survie touchant près de 40% des ménages, se porte sur différents investissements dans l’éducation et la santé, autant que sur des activités lucratives des télécoms, des transports, ou de l’immobilier par exemple.

Ces transferts supérieurs à l’aide humanitaire dont bénéficie le pays pourraient également avoir eu pour effet de soutenir la monnaie locale chahutée par la dollarisation et par les importations structurelles d’un pays essentiellement agricole, bridé par les risques liés à la situation politique.

Des efforts importants et soutenus restent à accomplir, en direction d’une jeunesse frappée à 67% par le chômage et dont fort logiquement les intentions de départ du pays atteignent des sommets, alors que les violences humaines en général, et aux femmes singulièrement, certes en décrue, restent à des seuils intolérables.

L’efficacité des transferts de la diaspora somalienne repose sur leur caractère solidaire, la profonde connaissance du terrain par les acteurs de ces transferts. Les réseaux familiaux et proximaux actifs dans la chaîne de valeur des envois de fonds permettent de réduire les coûts de transactions, ce qui limite le montant des commissions pratiquées par les sociétés somaliennes. Compétitives de ce fait, elles dament le pion aux majors, Western Union et autres MoneyGram. Il est à préciser que le secteur est dominé par une entreprise originellement somalienne installée dans de nombreux pays dans le monde, Dahabshiil, par laquelle pourrait transiter près de deux-tiers des envois de fonds dans les régions de culture somali.

Bien que les transferts de fonds soient souvent regardés avec suspicion dans ces régions pour les risques de blanchissement d’argent ou de financement d’activités illicites menés par certains groupes stratégiques, il faut se garder d’en minorer le modèle diasporal global et le caractère socialement et économiquement efficient. D’autant que les secteurs de la finance traditionnelle sont eux-mêmes loin de toute virginité au regard du crime économique et des ingérences politiques transnationales. Ces transferts et leurs modèles d’action ont permis une survie existentielle et économique dans un contexte de désolation et de quasi abandon des forces locales aux factions belligérantes. Mais ils vont au-delà de cette fonction de survie pour impulser une revitalisation des tissus économiques détruits ou embryonnaires, en investissant et soutenant l’exploitation de ressources endogènes.

La valeur solidaire de l’économie diasporale mobilisant des millions de personnes dans le monde et la profondeur des liens socio-culturels revigorés et entretenus par ces transactions, devraient recevoir une plus grande attention dans les politiques publiques. Evitant notamment que ces flux restent des effets d’aubaine ou de consommation sporadique au pire exclusivement ostentatoire. Les migrations contemporaines, postérieure dans leur occurrence à l’élaboration des grands modèles de développement offrent la possibilité de penser le bien-être social avec des paramètres nouveaux, un espoir réinventé. Il serait temps que l’imagination des grands récits de croissance et de soutenabilité en prenne de la graine.